« Alors, Epigo, ça marche bien ! C’est super, vous le méritez… »

Ça fait au moins trois fois que j’entends cette phrase en quelques semaines. Elle m’est adressée comme un encouragement par des gens très différents les uns des autres… Et elle me plonge dans un embarras que j’ai parfois du mal à exprimer, car je ne veux certainement pas froisser mes interlocuteurs bienveillants. Nous méritons ?

Ça va bien !

Oui, Epigo marche bien. Oui, on en est très heureux. Oui, on a le sentiment que nos choix, nos convictions, notre approche sont en phase avec l’air du temps. Cela n’a pas toujours été le cas. Nous avons eu des périodes plus compliquées. Nous avons changé de modèle économique, nous avons pivoté, comme toute petite entreprise, et avant même que la notion de pivot ne soit formulée ainsi.

Aujourd’hui notre activité se développe avec de nouveaux consultants qui viennent contribuer à cette réflexion qui nous tient à cœur et qui savent aussi délivrer des prestations de qualité avec le niveau d’implication et de liberté auquel nous sommes attachés. Nous formons une équipe solide, très rajeunie, avec des gens de grande qualité. Nous apprenons en permanence les uns des autres.

Nous avons aussi rencontré des clients qui apprécient nos manières de faire. Nous découvrons de nouveaux univers (institutions internationales, grandes entreprises industrielles, boîtes technologiques…) et des situations passionnantes. Le chiffre d’affaires se développe.

Nous avons de la chance !

Quand je pense à tout ça, je me dis que nous avons de la chance.

Nous avons de la chance et nous la cultivons. Nous faisons des choix clairs : « sanctuariser » les temps de partage, prendre des vacances, se rendre disponible pour nos clients et donc ne pas se mettre sous pression, rester dans notre axe d’intervention en développant notre flexibilité. Cultiver la joie de faire ce que nous faisons.

Notre chance, c’est d’avoir réussi à garder nos marges de manœuvres. Notre chance, c’est que nous gagnons notre vie en faisant un métier qui nous passionne. Notre chance, ce sont les rencontres : de gens, d’univers, de modes de fonctionnement multiples… Notre chance, c’est l’intérêt et la joie que ces rencontres nous procurent.

Et le mérite ?

Alors, est-ce qu’on mérite ce qui nous arrive ? Je crois que c’est ce qu’il y a derrière cette idée qui me pose problème. Si on croit au mérite alors on va dans l’effort et on perd de vue ce qui fait le sens et la joie de faire ensemble. Le mérite impose son échelle de valeur, il devient une motivation externe, on n’a pas de prise… On paye, en souffrant, son mérite à venir. On devient de plus en plus dépendant de la reconnaissance des autres. On construit un ordre du monde où les choses sont bien à leur place les jours où ça fonctionne pour soi… Je gagne de l’argent car je le mérite. Par mes efforts, par ma valeur, supérieure à celle des autres. Et ceux qui échouent, ceux qui sont pauvres… est-ce qu’ils ne le méritent pas un petit peu ? Haaaa ! Non ! On ne peut pas accepter cette idée de mérite qui gratifie les uns et dévalorise les autres…

Cultivons la chance !

Contre cet ordre-là, nous préférons cultiver le sentiment que parfois, on est au bon moment au bon endroit… Croire en sa chance développe une disposition joyeuse à voir le positif en toute situation.

Et si on a de la chance, on peut considérer que d’autres, peut-être, en ont moins. Cela permet de rester modeste et de remercier la vie de nous permettre d’utiliser nos talents dans un contexte où ils peuvent être visibles, utiles, reconnus.

Le développement d’Epigo nécessite du travail, des efforts. Nous comptons fortement sur les talents de notre équipe. Mais je crois, sincèrement, que notre réussite dépend autant de ces facteurs que de ce petit quelque chose, fragile, que l’on cultive au jour le jour… La chance !