Prendre une nouvelle place, faire évoluer son périmètre, négocier, est une dynamique d’évolution enthousiasmante, un accroissement de son potentiel et de sa puissance d’agir !
Mais évoluer, c’est aussi faire l’expérience de frictions avec la réalité, et les autres ! La divergence d’opinions ou d’intérêts sont souvent associés au conflit ou à la politique. En entreprise, évoluer, prendre sa place ou négocier peut être terriblement énergivore. Et cela produit souvent deux comportements opposés et symptomatiques.
Un écueil possible face à la friction : faire le dos rond et se sur-adapter sans prendre sa place
La friction, le besoin d’échanger, de défendre son périmètre quand il évolue déclenche fréquemment des réactions du type : « je déteste le conflit » ou « ça ne m’intéresse pas » ou encore, « je n’aime pas les manœuvres politiques ».
Certains vont aussi questionner leur légitimité avant de bouger, et s’empêcher de demander, d’avancer, par peur de ne pas être à leur place, d’être jugés : est-ce que je mérite cette nouvelle place ? Est-ce que je ne devrais pas faire encore un peu plus mes preuves ? C’est l’école de la sur-adaptation, le problème des bons élèves qui veulent rester au top et continuer à faire plaisir aux autres, à leur manager, dirigeant.
Nombreux sont ceux qui préfèrent fuir ou laisser tomber face à ces tensions. Ils préfèrent se centrer sur leur métier et faire le dos rond face à des forces plus bruyantes qu’eux, et se fondre dans le paysage en sur-adaptant leur comportement. Ils font des arbitrages où leurs intérêts, leurs besoins vont être rognés, amoindris, oubliés, parce que c’est fatiguant et difficile de se confronter à l’autre, d’aller au clash, de dire non.
Difficile dans ce cas, d’avancer et d’atteindre ses objectifs …
Une stratégie possible : l’école de l’affirmation musclée
Une autre réponse est l’école de l’affirmation de soi : je suis un winner.euse, je tape du poing sur la table. L’adage veut qu’on « n’a rien si on ne demande rien » et les femmes notamment, sont encouragées à prendre de la place, à s’imposer davantage dans cette direction. Je « lean in » comme dirait Sheryl Sandberg, à traduire par « prendre sa place sur la table du COMEX », en faisant savoir que j’existe. Le principe : parler haut et fort, et adopter un comportement de « prise de pouvoir », comme le modèle du winner l’y invite. Vous saviez qu’Amy Cuddy, chercheuse en science sociales à Harvard, a montré qu’en adoptant juste avant une présentation un comportement corporel imitant la posture des dominants de manière théâtrale (écarter les jambes les bras, faire du bruit, parler fort), on gagne en confiance en soi dans une prise de parole en public ? C’est intéressant d’oser, de se mettre en avant de manière irrévérencieuse, et ça vaut le coup d’essayer !Mais il y a de nombreuses limites à avancer avec la stratégie de la « win ».
- D’abord, c’est laisser sur les épaules des plus silencieux la responsabilité de parler plus fort. Cela laisse croire que le problème, c’est simplement qu’on ne réussit pas à exister parce qu’on n’ose pas, plutôt que d’inviter les plus bruyants à écouter davantage.
- Par ailleurs, la technique d’imitation trouve ses limites assez rapidement… S’il s’agit de mimer les « bruyants », en adoptant cette posture comme une technique de communication (comme le serait une technique de négociation par exemple), en adoptant uniquement des « tips » il est difficile d’être durablement compétent en affirmation de soi : qu’est-ce qu’on fait quand on se retrouve dans une situation pour laquelle on n’a pas l’outil adapté ou la phrase qui va bien ?
- Ensuite imiter, c’est prendre le risque de ne plus se retrouver… Lorsqu’on persévère à prendre le masque et la posture des autres, on risque de ne plus être aligné avec soi-même, de s’éloigner de ses valeurs en adoptant un comportement sans conviction, « parce qu’il n’y a que ça qui marche ». La perte de sens et le clash avec ses propres valeurs risquent d’être rudes à vivre sur le long terme.
- Enfin, la stratégie de la « win » invite à adopter une posture « dominante », martiale, à l’opposé de la coopération. Cette posture reproduit une logique de prise de pouvoir par la domination, à l’opposé d’un échange coopératif, terrain d’accroissement de relation et d’échange. C’est un mouvement superficiel qui ne laisse pas de chance à un échange sincère. Quelle place pour l’autre, si je m’impose brutalement ?
Alors comment sortir de cette dualité soit je me sur-adapte, soit je m’impose ? Est-ce qu’il n’y aurait pas une voie étroite qui à la fois permet de demander, de faire valoir ses droits, tout en laissant la place à l’autre, et favorisant un incrément de relation ?
L’assertivité, c’est la voie étroite entre la sur-adaptation et l’affirmation martiale de soi
Il existe un beau chemin parfois oublié, situé sur une ligne de crète souvent ténue, qui permet d’avancer sans écraser l’autre et sans s’oublier. Un chemin qui permet de construire un vrai dialogue comme le voyait Platon : « dia – logos » (à travers le langage): un chemin d’échange qui se dessine pas à pas, sur lequel les deux parties peuvent avancer ensemble.
Comment caractériser cette posture d’assertivité ?
L’assertivité c’est ce moment où vous vous sentez en puissance, en mouvement, tout en étant à l’écoute de l’autre pour construire quelque chose ensemble. C’est un moment d’émulation où l’on regarde des possibles, et où l’on cherche à développer les deux parties.
Comment développer une dynamique assertive ?
- Être assertif, c’est d’abord se connaître. Se connecter à ses motivations, talents. Parce que prendre de la place sur un terrain de jeu, cela suppose déjà de savoir qui on est, quelles sont nos particularités, nos forces, nos spécificités ! On commence donc par soi, se situer.
- Puis cela suppose de clarifier sa demande, ce que l’on veut. L’idée, c’est de ne pas simplement prendre de la place. C’est s’exprimer quand on a clarifié son besoin, en ayant formulé pour soi-même les concessions qu’on est prêt.e à faire, les limites, ce qui n’est pas négociable, ce qui paraît réaliste de demander dans l’environnement qui est le nôtre.
- Ensuite, l’assertivité invite à entrer en relation. Il ne s’agit pas simplement de passer un message et de partir en courant. C’est dire, faire comprendre, et savoir recevoir le retour de l’autre, sans agressivité, sans s’excuser, sans poser d’ultimatum. Est-ce qu’on peut construire quelque chose ensemble, sans qu’il y ait un.e gagnant.e et un.e perdant.e ? Est-ce que je suis à l’aise si la personne me dit non ? Est-ce que je tiens ma position ? Est-ce que je peux avancer avec cette personne sans être en conflit, sans être d’accord, sans partir ou détruire la relation ?
Conclusion : L’assertivité est une attitude nourricière pour tous !
Cette posture permet des échanges et une posture favorables au développement de la relation avec la personne en face de moi, elle lui laisse de la place …
… et elle permet d’ouvrir des possibles, c’est une posture favorisant le développement de ma puissance d’agir, de mes capacités de prendre des initiatives.
Acquérir de l’assertivité, c’est donc démarrer un chemin personnel et individuel d’alignement avec ses envies et besoins, sauter le pas en trouvant une posture d’affirmation calme et ouverte, tout en laissant la place à la relation durablement.
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