Lean startup et grands groupes ép. 1 : le rapprochement a commencé !

À EPIGO, nous avons le plaisir d’ accompagner à la fois des créateurs d’entreprise et des grands groupes. Leurs situations sont souvent différentes : les créateurs d’entreprise sont prêts à prendre des risques et disposent de peu de moyens, là où les grands groupes sont plus sensibles au risque, malgré de fortes capacités d’investissement.

Cependant, nous observons que les deux populations font parfois face à un problème similaire : investir du temps ou de l’argent sur une idée qui fait sens pour eux, avant de se rendre compte, trop tard, que celle-ci ne correspondait pas à la demande du marché.

C’est pour répondre à ce problème que nous appliquons à leur côté la méthode lean startup. Si elle fait aujourd’hui référence auprès des entrepreneurs du numérique, celle-ci est encore une anomalie dans les grands groupes que nous conseillons.

Le lean startup, recette du succès de la Silicon Valley ?

À l’origine, un livre, publié par Eric Ries en 2011 et qui met en avant la méthode utilisée par les startups de la Silicon Valley pour lancer de nouveau produits innovants plus rapidement et plus efficacement.

Le lean startup : un nouveau logiciel…

Le lean startup a pour objectif de produire rapidement et à moindre coût des produits ou services que les clients désirent. Pour cela, la méthode s’appuie sur 3 principes, décrits par Steve Blank :

1/ favoriser l’expérimentation à la planification détaillée

Concrètement : « Oubliez les analyses amont détaillées et mettez-vous aux produits minimums viables (MVP) : c’est en mettant le plus rapidement possible votre produit entre les mains du client que vous obtiendrez les informations essentielles au succès de votre projet. »

2/ favoriser les feed-backs clients à l’intuition

Concrètement : « Il existe un expert sur le sujet qui vous préoccupe et… ce n’est pas votre collègue du bureau d’à côté, mais le client ! Allez le rencontrer, de visu, le plus tôt possible et interrogez-le sur ses aspirations, ce qui importe pour lui, ses éventuels problèmes… On oublie parfois à quel point le monde peut être vu différemment, une fois sorti des bureaux. »

3/ favoriser la conception itérative aux développements longs

Concrètement : « Les produits innovants qui voient le jour 1 an après leur conception manquent le coche du monde actuel : les attentes des clients évoluent en même temps que vous construisez votre produit. Organisez-vous pour pouvoir effectuer des sorties fréquentes de nouvelles versions de votre produit, afin d’obtenir des retours de vos clients. »

… effectivement utilisé par certaines des anciennes startups les plus connues

De nombreuses entreprises technologiques américaines, modèles des startups, appliquent les principes du lean startup. Ainsi, Dropbox par exemple a démarré par la mise en ligne d’un MVP, une vidéo de 3 minutes décrivant les fonctionnalités du produit avant même que celui-ci existe. Cette vidéo a permis à la liste d’attente du produit de passer de 5 000 personnes à 75 000 personnes. L’application des principes du lean startup a ensuite permis à l’entreprise de passer de 100 000 utilisateurs inscrits à plus de 4 millions en 15 mois.

Encore aujourd’hui Facebook fonctionne selon des principes correspondant au lean startup. Le lancement de Facebook Live par exemple s’est d’abord fait avec deux fonctionnalités simples, la vidéo et les conversations, de manière à trouver son marché avant d’enrichir le service et de rebasculer les ressources nécessaires en cas de succès du « prototoype ».

Les grands groupes se mettent aussi au lean startup

Appliquée par les jeunes pousses, la méthode commence aussi à être mise en œuvre au sein de grands groupes où elle vient bousculer les façons de faire établies. Deux raisons expliquent cette évolution.

Les étapes classiques du lancement d’un nouveau projet montrent leur limite

Aujourd’hui, dans les grands groupes, le lancement d’un nouveau produit ou service passe d’abord par la rédaction d’un business plan détaillé : à travers une étude théorique du potentiel du marché considéré, il s’agit de démontrer rationnellement les gains espérés afin de minimiser l’incertitude. Le rôle du business plan : convaincre le comité chargé d’allouer le budget nécessaire.

Ensuite, dans la méthode classique des grands groupes, une fois le budget alloué, on réunit une équipe de spécialistes qui construiront sur quelques mois le produit ou service parfait, qui sera lancé à grand renfort de budget de communication.

Cette méthode ne marche plus. Les produits ou service lancés de cette manière manquent la rencontre avec les attentes réelles des consommateurs. Et c’est 72 % des lancement de produit qui échouent à atteindre leur objectif.

Les grandes entreprises doivent apprendre à fonctionner dans un monde imprédictible

D’un point de vue plus large, les entreprises constatent qu’elles doivent fonctionner aujourd’hui dans une très grande opacité. Bousculées par la révolution numérique, l’arrivée de nouveaux acteurs extrêmement puissants et l’évolution des attentes des consommateurs, elles font face à un effondrement de leur capacité à prédire leur futur (voir : fonctionner ensemble dans un monde imprédictible).

Et c’est dans cet environnement qu’elles sont pressées de porter elles-mêmes les innovations de ruptures qui autrement viendront les bousculer, tout en maintenant les innovations incrémentales autour de leur activité historique. C’est en appliquant de nouvelles méthodes, plus rapides et davantage en contact avec les consommateurs qu’elles pourront ainsi, comme Netflix (passé de la location de DVD à une offre de contenus disponibles en streaming), développer leur propre concurrent (voir Engine 1, Engine 2 dans cette étude de Bain & Company).

Des premiers grands groupes appliquent les méthodes lean startup

Globalement, les grands groupes ont conscience de la nécessité de faire évoluer leur manière de travailler. 88 % des répondants de l’étude Deloitte sur les tendances RH 2017 considère comme important de construire dès aujourd’hui l’organisation du futur, même si seuls 11 % disent savoir comment s’y prendre.

De nombreux grands groupes commencent à appliquer les méthodes du lean startup. Il en existe même qui pratiquaient le lean startup… avant son invention ! Ainsi Intuit a lancé en 1989 un programme appelé « Follow Me Home » où les ingénieurs étaient envoyés auprès des clients, chez eux ou dans leurs locaux, afin de mieux comprendre les problèmes auxquels ceux-ci faisaient face dans leur vie quotidienne.

Plus récemment, la division Energy Storage de General Electric a décidé d’appliquer la méthode lean startup pour le lancement d’une nouvelle batterie capables de disrupter le marché. Face à cette innovation technique, Prescott Logan, le dirigeant de la division choisi de retarder la construction d’une usine et la mise en production pour partir à la recherche d’un business model et à la rencontre de clients potentiels. Avec son équipe, ils ont interviewé une douzaine de prospects qu’ils ont écouté formuler leurs frustrations et problématiques liées à leur usage des batteries actuelles. Les feed-backs recueillis leur ont permis de réaliser un changement majeur dans le choix des clients à cibler : ils ont éliminé le segment des data center pour introduire celui des fournisseurs d’énergie. Ils ont de plus réussi à réduire le segment des acteurs telco aux fournisseurs de téléphone dans les pays émergents aux réseaux électriques non fiables. GE a finalement investi 100 millions de dollars pour construire une première usine et le carnet de commande s’est immédiatement rempli au-delà de ses capacités.

Le lean startup arrive donc dans les grands groupes. Ses principes s’appliquent avec succès hors du monde des entreprises tech américaines. Qu’en est-il dans votre entreprise ? Dans l’épisode 2 de notre série, nous avons rassemblé les 3 premiers bénéfices directs de la mise en œuvre du lean startup dans une grande entreprise. À suivre !

Article précédemment publié sur LinkedIn le 27 mars 2017.