En tant que dirigeants, votre rôle est bien souvent de prendre des décisions. Et de prendre les bonnes, surtout lorsque celles-ci sont stratégiques, c’est-à-dire qu’elles impactent le futur de votre organisation. Alors comment faites-vous pour vous assurer de la qualité de vos décisions ? Vous faites confiance à votre intuition ? A l’analyse ?
Daniel Kahneman, « prix Nobel » d’économie en 2002, auteur d’un livre à succès sur les biais cognitifs (Thinking Fast and Slow) et ses deux co-auteurs, Dan Lovallo et Olivier Sibony proposent, dans un article publié en 2019 dans la MIT Sloan Management Review, une méthode pour s’assurer de la qualité des décisions stratégiques : Mediating Assessments Protocol (MAP).
Le cœur de la méthode tient dans l’idée de retarder le plus possible le jugement intuitif pour le nourrir de données factuelles. Il existe en effet selon les auteurs de nombreux biais cognitifs qui contribuent à nous faire former des « modèles mentaux », c’est-à-dire des images simplifiées de la réalité qui se constituent très rapidement, de manière inconsciente et qui, dans les faits, n’évoluent plus en fonction des nouvelles données récoltées.
Si par exemple vous venez de voir une superbe démonstration produit de la part d’une startup, vous aurez plus tendance à valoriser positivement les dirigeants, même sur des aspects qui n’ont rien à voir avec le produit.
La méthode se déroule en 3 étapes. Je reprends leur illustration d’une société d’investissement qui l’applique pour ses décisions d’investissement dans des startups :
1/ Définir les critères d’évaluation en amont de l’évaluation
La société d’investissement a conçu une liste de ses critères d’évaluation, eux-mêmes spécifiés en sous-critères. Par exemple, la qualité de l’équipe dirigeante est un critère qui lui-même est divisé en différents critères : capacité à résoudre des problèmes, expertise technique, ouverture d’esprit…
2/ Procéder à une évaluation factuelle des différents critères de manière indépendante
Ensuite, elle procède à une évaluation factuelle des différents critères, en se basant sur la technique des percentiles. C’est à dire en se référant à un ensemble donné. Par exemple pour évaluer les compétences techniques des fondateurs, il s’agit de se demander si, au sein de l’ensemble des fondateurs que les investisseurs ont rencontrés, la personne évaluée est dans le top 10 %, 25 % ou autre. Chacun des critères reçoit une note, indépendante des autres critères
3/ Réaliser l’évaluation finale, uniquement lorsque les différents critères ont été passés en revue
Lors de la réunion de prise de décision, les dirigeants de la société d’investissement prennent les critères un par un en comparant les différentes sociétés évaluées, et en se retenant, durant le processus, de formuler un avis global. C’est seulement une fois que l’ensemble des critères ont été balayés qu’ils se prononcent.
Cette méthode peut fonctionner pour des décisions ponctuelles comme pour des décisions récurrentes. Appliquée régulièrement, elle a le mérite de créer de l’apprentissage, de par son formalisme et son accent mis sur les données factuelles.
Son intérêt, selon nous, tient dans le fait qu’elle conserve l’appui de l’intuition, qui intervient à la fin, mais qu’il s’agit de l’informer d’éléments factuels. Elle peut être un réel appui pour des fonctionnements collectifs puissants et réjouissants, même si, comme beaucoup d’outils d’intelligence collective, elle peut d’abord être perçue comme une contrainte.
Enfin, il est à noter que cette méthode est pertinente lorsque le problème est connu et qu’il s’agit de choisir entre des options relativement équivalentes. Elle ne dit rien de comment on invente de nouvelles options ou comment on peut penser hors du cadre ! Mais pour cela, il existe bien d’autres méthodes 😊