Co-construire sa stratégie de décarbonation :
prendre le taureau par les cornes et en tirer un nouveau souffle

Nous avons récemment eu la chance d’accompagner le numéro 1 mondial de l’autopartage connecté, Getaround, dans la co-construction de sa stratégie de décarbonation pour l’Europe. Cet accompagnement – qui a été un succès pour notre client – nous a donné envie de partager les réflexions et les apprentissages qui ont émergé en chemin, car les défis auxquels Getaround a fait face durant sa démarche font écho à ceux que nombre de citoyens et d’entreprises vivent aujourd’hui à propos de la transition

Exemples d’interrogations :

  • Quelle place pour mon activité et mon entreprise dans un monde bas carbone ?
  • Comment bâtir une stratégie qui prenne en compte d’autres indicateurs que la
    seule rentabilité ?
  • Après le constat chiffré, comment générer de l’action, voire de la passion pour
    porter l’élan de cette nécessaire et difficile décarbonation ?
  • Comment prendre ensemble des décisions qui vont à contre-courant de la
    culture dominante ?
 

Cette mission a aussi permis aux facilitateur·rices que nous sommes de vivre une interrogation qui nous taraude depuis quelques années : parmi les grands acteurs de la transition (institutions, consultants, experts, collectifs alternatifs, militants…), quel rôle pour la facilitation ? À quelles conditions peut-elle jouer ce rôle ?

Avec cet article, notre intention est de contribuer à cette réflexion, ouvrir la discussion et partager nos apprentissages. Dans une première partie, nous décrirons la mission et ses résultats, avant de détailler dans la seconde l’envers du décor et les méthodes utilisées.

Première Partie

La mission : contexte et convictions,
approche et résultats

@nataliepedigo / unsplash

Contexte : Getaround en quête de sa juste place dans un monde décarboné

Sous l’impulsion de quelques collaborateur·rices engagés, Getaround s’est lancé dans une recherche d’alignement avec l’Accord de Paris sur le climat qui vise la neutralité carbone en 2050. Depuis plus d’un an, l’entreprise a commencé à travailler avec des consultants spécialistes de l’évaluation de l’impact carbone de ses activités. Ils ont établi le bilan carbone de l’entreprise et celui des émissions que son activité permet d’éviter. Sur cette base, l’entreprise est entrée dans le processus ACT Step by Step*, sponsorisé par l’ADEME.

En complément de cette indispensable approche chiffrée, Getaround s’est mis à la recherche d’un accompagnement pour bâtir une vision capable d’aligner et d’inspirer ses multiples parties prenantes (employés, clients, actionnaires américains, partenaires civils) et décider d’une stratégie pour convertir cette vision en actes.

Notre client a formulé ainsi son enjeu principal : obtenir une adhésion massive en
interne, y compris auprès de l’équipe dirigeante.


*ACT Step by Step est un programme d’accompagnement des entreprises vers la décarbonation en 5 étapes (Formation, Etat des lieux, Vision, Stratégie, Plan d’action) :
https://actinitiative.org/build-your-strategy/

Une conviction : pour passer de la froideur des chiffres au feu de l’action, il faut du cœur

Combien de projets annoncés en grande pompe, magnifique présentation
powerpoint et plan chiffré à l’appui, ne dépassent pas ce stade et terminent au placard ?

Le piège dans lequel nous tombons si souvent, même si nous sommes très bien intentionnés : sur-évaluer la capacité de notre tête à déclencher le mouvement. Oui, « il faut ». Mais notre mental est comme le cornac sur le dos de l’éléphant que sont nos émotions : capable de dire où aller, mais incapable d’y aller par lui-même. En cas de conflit entre le cornac et l’éléphant, c’est souvent l’éléphant qui gagne et désarçonne son conducteur. Ou alors, à force de dressage, c’est le cornac qui l’emporte – mais à quel prix ! Triste spectacle que celui d’un animal dévitalisé, à qui les fers ont enlevé toute la puissance de son instinct. Ce n’est que lorsque cornac et éléphant sont à l’unisson qu’ils peuvent accomplir ensemble ce que ni l’un ni l’autre ne pourra jamais accomplir seul.

Ce qui est vrai lorsque l’on cherche à modifier nos habitudes quotidiennes (se remettre au sport, se coucher plus tôt, méditer…) l’est d’autant plus à l’abord de ce que l’on appelle la transition, dont on sait à quel point elle vient questionner ce sur quoi la société contemporaine a fondé sa sécurité. Obtenir une transformation durable et harmonieuse ne se peut qu’en unissant la clarté froide du savoir et la détermination brûlante du vouloir. Getaround avait déjà travaillé à former le premier terme de ce couple – le savoir – en réalisant son bilan carbone et en entrant dans le programme ACT Step by step. Nous avons été missionnés pour accompagner la formation du second, dans l’espoir d’une union.

L’approche proposée : bâtir et galvaniser « un petit groupe d’individus engagés et conscients »

Nous avons recommandé de lancer un appel à candidature, ouvert à tous les collaborateur·rices, pour rejoindre le groupe projet « décarbonation » chargé d’élaborer la vision bas carbone à horizon 2030 et 2050 et la stratégie pour y parvenir. 

Cela a permis la constitution d’un groupe mixte (en termes de position hiérarchique, d’expertise climat, de métiers, de genre…) de collaboratrices et collaborateurs unis par leur motivation à prendre le sujet à bras le corps : la task force. Ce groupe a été réuni à la suite d’un processus de sélection basé sur une candidature ouverte à toutes et tous, anonyme, avec un questionnaire permettant d’évaluer les connaissances et la motivation des candidats.

Nous avons accompagné ce groupe au cours de trois journées d’ateliers avec pour objectif de bâtir une stratégie bas carbone qui emporterait une adhésion massive parmi les effectifs de l’entreprise en Europe (140 collaborateurs) avant d’être portée devant le leadership américain.

Après ces trois ateliers, entre lesquels la task force a mené un remarquable travail de diffusion et de partage de ce qu’ils vivaient et commençaient à bâtir, l’objectif était atteint.

Résultat : une task force gonflée à bloc, unie par la co-construction et la co-décision d’une vision et d’une stratégie ambitieuse, portée par une dynamique collective puissante, à la rencontre d’un propriétaire américain séduit

À l’issue des trois ateliers, la task force a co-décidé, au consentement, de la stratégie bas carbone, en alignement avec les objectifs de l’Accord de Paris. 

Entre les ateliers, le travail mené en interne a permis d’obtenir une forte adhésion du reste des collaborateur·rices. Cette adhésion s’est concrétisée lors de la publication de l’enquête d’engagement où le fait d’avoir une action positive sur le « climat » (celui de la planète, pas celui du bureau) est apparu comme la motivation numéro 1 des collaborateurs à travailler pour Getaround.

Gonflés à bloc par le processus traversé et solidement appuyés sur les éléments chiffrés du bilan carbone et de l’étude d’engagement, les représentants de la task force et les dirigeants européens ont porté leur stratégie bas carbone auprès du leadership US.

Ils ont obtenu auprès d’eux un engagement ferme sur leur stratégie bas carbone et le plan d’action pour la déployer.

À ce stade, bien sûr, tout le chemin reste à parcourir ! Il semble que l’accompagnement proposé ait permis au groupe de s’en faire une idée concrète. 

Et d’y croire :

« Ambitieux, motivant et pragmatique ! On sait quoi faire dès demain. »

« Du concret, des discussions chiffrées sur l’impact, une décision éclairée »

« Un processus robuste et des débats féconds, il y a eu une vraie maturation, on sait qu’on va pouvoir défendre nos idées »

« L’expérience la plus enrichissante de ma vie professionnelle. C’est la bonne manière de faire de la stratégie, d’embarquer, de co-construire »

Seconde Partie

L’envers du décor : les méthodes que nous avons utilisées et les apprentissages que nous avons fait en chemin, en tant que facilitateur·rices

@mvdheuvel / unsplash

Cette mission a été pour nous un laboratoire. Nous partageons dans cette partie le travail réalisé dans l’espoir de nourrir la réflexion et l’expérimentation autour de ces questions. C’est le côté « cuisine » de la mission, qui pourra intéresser particulièrement celles et ceux qui accompagnent des dynamiques de transition.

Cinq apprentissages nous semblent utiles, pour qui souhaite engager un processus similaire :

  1. La transition est une affaire d’énergie. La plus précieuse vient du cœur.
  2. En marchant main dans la main, expertise climat et facilitation peuvent générer une dynamique collective puissante
  3. Cette dynamique doit faire émerger une culture de la transition
  4. La méthode de la gestion par consentement permet de convertir cette dynamique collective en une décision claire et partagée
  5. Enfin, ce genre de projet est un formidable facteur d’engagement des collaborateur·rices

1. La transition est une affaire d’énergie. La plus précieuse vient du cœur :

Il s’agit de l’engagement et de la détermination des femmes et des hommes qui ont conscience de la nécessité du changement, croient en sa possibilité et désirent ardemment agir.

Nos interlocuteur·rices chez Getaround ont une fonction qui n’avait initialement pas de rapport avec le sujet de l’écologie et de la décarbonation. C’est par conviction personnelle qu’ils se sont positionnés en interne, se sont formés à ces enjeux et ont réussi à convaincre leur hiérarchie d’investir le sujet. Avec d’autres collègues engagés, ils ont initié une dynamique au travers de plusieurs actions : création d’un poste temporaire dédié au sujet, réalisation du bilan carbone, démarche ACT Step by Step et participation à la Convention des entreprises pour le climat

Ce que nous avons fait, concrètement, en tant que facilitateur·rice :

a. Écouter notre client et se mettre à son service, c’est-à-dire au service de son énergie, son engagement et sa motivation

Il s’agit d’entrer dans l’univers de son client, comprendre la réalité de sa situation et la nature de sa motivation personnelle, afin de concevoir un accompagnement sur mesure.

Exemples de questions que nous lui avons posées : 

  • Quel changement cherches-tu à faire advenir ? Quel serait un résultat idéal ?
  • Quels sont les difficultés et les obstacles que tu rencontres ? 
  • Quelles sont tes marges de manœuvre ?
  • Quelle est ta motivation personnelle dans ce projet ? 
  • Si la démarche n’aboutit pas, que vas-tu faire ?
 

b. Bâtir et galvaniser un groupe d’individus engagés et conscients autour de notre client 

Voir plus haut la description du processus de constitution de la task force dans la partie résultat.

2. En marchant main dans la main, expertise climat et facilitation peuvent générer une dynamique collective puissante

Sur un sujet aussi technique que la décarbonation, il serait naïf de penser pouvoir prendre des bonnes décisions sans avoir recours aux experts de ce sujet. Pour autant, nous avons vu que l’expertise seule ne suffit pas à passer à l’action. Alors, quelle articulation entre l’expertise climat et la facilitation ?

Ce que nous avons fait, concrètement, en tant que facilitateur·rice :

a. Laisser aux experts ce qui leur appartient : nourrir le groupe en informations et en faits, en analyses, en évaluations et en chiffres 

En tant que facilitateur·rices, nous sommes experts des dynamiques collectives et du climat de travail d’un groupe. Nous n’avons aucune expertise sur le changement climatique ou la décarbonation. Nous faisons d’autant mieux notre travail que nous laissons aux experts ce qui leur appartient. Concrètement, cela s’est manifesté par l’intervention à chaque étape de l’accompagnement d’experts du climat pour former et nourrir les membres du groupe projet avec des éléments de culture générale sur la transition, le bilan carbone et des émissions évitées, les scenarios de l’ADEME, le chiffrage des scénarios stratégiques envisagés par le groupe, etc.

 

b.Faciliter la relation de chacun·e à soi-même, aux autres membres du groupe, à l’ADN de l’organisation, à l’imaginaire et à l’avenir 

  1. Faciliter le lien de chacun.e à soi-même, à son JE : sa motivation propre, son intention et son rêve, ses craintes et ses limites 

🎯 Objectif : que chaque membre du groupe définisse par et pour lui-même le cadre de son engagement.

⚒️ Outil : I C L R (pour intention, crainte, limites, rêve)

🏁 Résultat :

Cet exercice a permis à chacun de se relier à la part de rêve essentielle à tout projet véritablement transformateur : « devenir des pionniers qui bâtissent un équilibre durable », « devenir un service d’utilité publique ».

Aux peurs que tout projet ambitieux, tout rêve fait naître : « être débordé par mes émotions », « que le projet finisse en doc Notion ».  

Il a aussi permis à chacun de poser un cadre spécifique de son engagement dans le groupe projet :

    • Son intention : « être au service d’un projet qui me dépasse », « contribuer à une direction claire et à long terme, un élan », « prouver que l’on peut faire changer les choses », « contribuer à un changement de mentalité chez Getaround »
    • Sa limite : « renoncer à mes convictions », « rester pragmatique, pas idéaliste », « garder du temps de travail sur mes projets en cours », « laisser le projet au bureau à la fin de la journée »

Une fois mis en commun, ces éléments sont devenus une boussole pour chacun.e et pour le collectif, un instrument auquel se référer en chemin : suis-je encore aligné avec mon intention ? En lien avec mon rêve ? Sommes-nous bien en train de respecter nos limites ?

 

2. Faciliter le lien aux autres, le passage du JE au NOUS

🎯  Objectif : que le groupe partage un regard commun sur la situation actuelle, que les points de vue individuels se composent pour donner une image du système dans sa complexité

⚒️ Outil : matrice forces / faiblesses / menaces / opportunités.

🏁  Résultat : une appréhension partagée du territoire sur lequel évolue le groupe, c’est-à-dire de la situation actuelle dans sa globalité.

 

3. Faciliter le lien à l’ADN de Getaround

🎯  Objectifs : 

    • Que le groupe s’abreuve à la source qui a donné naissance à Getaround et lui a permis de grandir jusqu’à sa forme actuelle
    • Qu’il prenne conscience de sa responsabilité et de sa puissance d’agir
 

⚒️ Outil : l’interview par la task force du fondateur de Getaround, autour de trois questions clefs :

    • Dans l’ADN de Getaround, quels sont les gènes déterminants ?
    • Quels sont ceux qui ont fait de cette organisation ce qu’elle est aujourd’hui ?
    • Quels sont ceux qui vont déterminer son évolution future à horizon 2030, voire 2050, dans un contexte de transition bas carbone ? 
 

🏁  Résultat : un groupe nourri et inspiré, connecté à sa responsabilité et à sa puissance d’agir via une expérience immédiate, celle de constater que les principes et les rêves qui animaient le fondateur au moment de la création de l’entreprise ont pu prendre chair et grandir jusqu’à former l’organisation qui les emploie aujourd’hui, et joue un rôle bien réel dans la vie de millions de gens en Europe et dans le monde. Qu’il est en leur pouvoir de faire que des principes (dans le cas de Getaround : le bon sens, l’anti-gaspillage), des pensées et des idées (« il y a toutes ces voitures qui dorment et qui encombrent les villes… ne pourrait-elle pas être mieux utilisées ? ») deviennent une réalité.

 

4. Faciliter le lien à l’imaginaire

🎯 Objectif : décadrer et ouvrir des perspectives, convoquer la puissance du rêve et de l’imaginaire pour se mettre en situation de penser différemment.

⚒️ Outil : le panthéon personnel.

Entre les deux premiers ateliers, chacun.e a été invité à aller chercher dans son panthéon personnel une figure inspirante de femme ou d’homme ayant su prendre des décisions courageuses et visionnaires, qui allaient à contre-courant du collectif.
L’exercice proposé était de plonger dans la vie de cette personne en se posant les questions : qu’est-ce qui fait que cette personne a réussi à prendre et à tenir une décision qui va à contre-courant de la norme dominante ? Si ce n’est pas la norme dominante qui lui sert de guide, sur quoi s’appuie-t-elle pour s’orienter ?

🏁  Résultat : l’émergence au sein du groupe de valeurs et de principes communs, d’une culture propre à la démarche dans laquelle le groupe s’engage.

Par exemple :

    • Accepter que cela prend du temps et prendre du plaisir dans le temps long
    • Revenir régulièrement aux fondamentaux : pourquoi ? Et pour quoi ?
    • Ce n’est pas sans conséquences, c’est en assumant ces conséquences qu’on avance 
    • Savoir multiplier les perspectives ET s’entourer de personnes qui partagent nos valeurs 
    • Allier la force de la passion et de la détermination
    • Réussir à tenir ensemble l’écoute des émotions vivantes aujourd’hui et les enjeux à long terme, le temps long 
    • Assumer l’incertitude, franchir chaque étape en assumant le risque 

5. Faciliter le lien à l’avenir

🎯 Objectif : que le groupe bâtisse une vision partagée du rôle de Getaround dans un monde bas carbone en 2030, c’est-à-dire une vision qui tienne ensemble les exigences de l’accord de Paris (neutralité carbone en 2050) et la réalité opérationnelle et stratégique de l’entreprise.

⚒️ Outil : le visioning

🏁 Résultats : 

    • L’émergence d’une vision motivante, cohérente avec l’ADN et avec les objectifs de neutralité carbone : « en 2030, Getaround est devenu l’un des moteurs d’un écosystème de mobilité durable »
    • La convergence autour d’un défi qui enthousiasme toute l’équipe : « comment faire pour devenir un des moteurs d’un écosystème de mobilité durable tout en répondant aux attentes de nos parties prenantes ? »

Cette étape est fondamentale. C’est en la traversant que le groupe s’approprie véritablement sa mission. Le problème initialement défini de manière quantitative et fonctionnelle (atteindre la neutralité carbone en 2050) est devenu un défi stratégique. Ce défi est le premier fruit du cheminement du groupe, nourri par le savoir des experts, relié à l’ADN de l’organisation, à sa puissance d’agir et à un imaginaire inspirant. Il est aussi un engagement et une promesse : celle de concentrer à partir de ce moment là toute son énergie à relever ce défi

3. Cette dynamique doit faire émerger les prémisses d’une culture de la transition

Une entreprise ou une personne qui se lance dans une démarche de transformation court toujours le risque que cette démarche ne soit qu’un changement de surface et non d’attitude profonde, c’est-à-dire de culture. Par exemple, et de manière un peu caricaturale, dans le cas de la transition bas carbone, le risque serait de remplacer un objectif – la rentabilité, le profit à tout prix – par un autre – la décarbonation – sans rien changer aux fondements de l’attitude et de la culture qui sont à la source du problème : règne de la performance, de la croissance illimitée, du court terme voire de l’immédiateté, de la mesure purement quantitative.


Or la transition en actes suppose l’émergence d’une culture nouvelle, capable de prendre en compte la complexité d’objectifs contradictoires voire opposés. À l’intérieur du cadre des formations et des ateliers, les membres du groupe se sont trouvés dans des conditions propices à l’élaboration des principes d’une telle culture. C’est ce qui s’est produit notamment lors de l’exercice du panthéon personnel décrit plus haut, avec l’émergence de principes comme « accepter que cela prend du temps et prendre du plaisir dans le temps long », « réussir à tenir ensemble l’écoute des émotions vivantes aujourd’hui et les enjeux à long terme » ou « assumer l’incertitude, franchir chaque étape en assumant le risque »


Rôle de la facilitation et outils :

 

  • Faciliter le lien à l’imaginaire (voir ci-dessous) et à l’éthique :

    Selon vous, qu’est-ce qui fait qu’un dirigeant est capable de prendre des décisions qui vont à rebours de la norme dominante ? 

     

  • Faciliter la prise de conscience de ce qui est en train de se produire à l’intérieur du groupe en ouvrant des espaces de parole en début et fin d’atelier, et à l’issue de séquences particulièrement riches, et en posant des questions ouvertes telles que :

    Qu’est-ce qui a mûri en vous depuis le dernier atelier ?
    Qu’est-ce que vous avez envie de partager à propos de ce processus ?
    Qu’avez-vous appris en chemin, qu’est-ce qui est apparu de nouveau par rapport à vous-même, au groupe, à Getaround ?

 

4. La gestion par consentement (GPC) permet de convertir cette dynamique collective en une décision claire et partagée

Faire de la stratégie, c’est choisir – et donc renoncer.
À ce stade, le groupe arrive au terme de son exploration et doit converger. Il va falloir décider d’une manière suffisamment bonne pour que toute l’équipe se sente de porter la décision qui a été prise. Dans ce moment clé se joue l’avenir du projet : sera-t-il à la hauteur des attentes ? S’il l’est, finira-t-il dans les cartons ou prendra-t-il racines pour fleurir et porter des fruits ?

 

Premier risque à ce moment-là : que le soufflé retombe ! Voir s’évanouir le courage et la créativité qui ont nourri la démarche jusque-là, retomber à l’intérieur de l’espace restreint des critères de décisions et des contraintes habituelles, aboutir à un consensus mou… 

 

Deuxième risque : que la décision soit prise au forceps, sans condenser en elle toute l’énergie du collectif.

 

Rôle de la facilitation et outils :

 

  • Accompagner le groupe sur le choix des critères de décision : il s’agit de co-créer des critères d’évaluation et de décision adaptés à leur mission. Dans le cas de Getaround, aux côtés des critères « que notre proposition soit acceptable par nos parties prenantes » et « Impact » est apparu un critère nouveau : « Que nous soyons fiers d’en parler à nos enfants dans 15 ans »

     

Proposer une méthode de prise de décision qui prenne chacun en compte et puisse aboutir à une décision robuste et partagée (dans ce cas, la gestion par consentement)

5. À ces conditions, la transition peut devenir une véritable opportunité d’engager ses collaborateurs en profondeur et d’apporter un nouveau souffle à l’entreprise

Aborder le sujet de la transition de cette manière, c’est ouvrir un espace où sont à invitées à s’exprimer toutes les facettes de l’individu : sa conscience, ses valeurs et sa responsabilité personnelle en tant que citoyen ; ses compétences et ses motivations ; sa fonction en tant que collaborateur d’une organisation investi d’une mission précise.

Lorsque la dissonance entre ces facettes est trop forte il devient impossible de donner le meilleur de soi-même, voire de continuer dans sa mission. C’est le désengagement, plus ou moins conscient.

À l’inverse, lorsqu’un individu parvient à trouver un alignement suffisamment satisfaisant entre ces trois facettes de lui-même et à les faire travailler ensemble : quelle puissance, quelle énergie sont alors disponibles au service de son organisation !

 

L’urgence de s’engager dans la transition est parfois niée, déniée.Elle peut aussi être vécue comme paralysante, dramatique ou angoissante. Certains participants nous ont rapporté à quel point ils ressentaient au début de la démarche un mélange d’anxiété et d’impuissance.

Mener une telle démarche, qui implique à la fois de se confronter à la réalité du bilan carbone et de se connecter à sa responsabilité et à sa puissance d’agir en tant qu’individu membre d’un collectif, a donné aux participants le sentiment de retrouver une prise sur les choses, une capacité à se positionner et à agir.

Elle est une première mise en mouvement, un premier pas, qui cherche à allier, comme le dit Gramsci, « le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté ». Bien sûr la route est encore longue et suite à ce premier pas, tous les autres restent à faire.

 

Le métier de facilitateur consiste à faire de son mieux pour accompagner un groupe lors de ces moments délicats où il tâtonne à la recherche d’un passage – chemin, gué ou pont, c’est selon. C’est un grand privilège que d’être le témoin du moment rare et précieux où il le trouve. Ce moment, qui est loin de se produire avec chaque groupe, est aussi celui où la mission du facilitateur touche à sa fin : le groupe a trouvé une terre ferme sous ses pieds.

NB :

Ce travail a été grandement facilité par la compatibilité de l’ADN de Getaround (favoriser l’autopartage, désencombrer les villes) avec la visée de la décarbonation et par sa culture d’entreprise, ouverte au changement et favorable à la coopération.

 

Un autre facteur important est le temps qui a été accordé à ce projet :

 

  • Avant les ateliers : la mission est venue après une longue période (un à deux ans) pendant laquelle notre client a œuvré à acculturer les dirigeants de l’entreprise aux enjeux climatiques (formations, bilan carbone, participation à la convention citoyenne pour le climat, etc.) 

 

  • Entre les ateliers : au lieu de concentrer le travail sur un séminaire de deux à trois jours, nous avons fait le choix d’espacer les ateliers dans le temps, avec trois à quatre semaines entre chaque atelier. Ce temps est celui de l’indispensable intégration par l’éléphant du corps et des émotions des nombreuses informations données par les experts. C’est aussi celui qui permet à l’imaginaire et au rêve de se déployer, et à leur levain de lever en chacun.